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Πέμπτη 3 Ιουνίου 2021

9 - Un trumpisme sans Donald Trump

 

fascisme américain

 

 

9 -  Un trumpisme sans Donald Trump

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Felipe Jesus Consalvos. – « Hypnotic America » (L’Amérique hypnotique), 1920-1960
Courtesy the Gallery of Everything, Londres

Après plusieurs jours de suspense, M. Joseph (« Joe ») Biden l’a finalement emporté sur M. Donald Trump dans l’élection présidentielle américaine. Mais cette victoire en demi-teinte ne vaut pas la répudiation définitive que les démocrates avaient ardemment désirée. En fait, les élections se sont même révélées pour eux assez désastreuses. Malgré l’impressionnant magot récolté pour financer leur campagne (1,5 milliard de dollars en seulement trois mois, de juillet à septembre (1)), ils ne sont pas parvenus à reprendre le Sénat (2), ils ont perdu des sièges à la Chambre des représentants et ils n’ont pas réussi à conquérir la majorité des législatures d’État, qui détiennent un pouvoir considérable dans le système fédéral américain.

La dérangeante vérité, c’est que, sans la pandémie de Covid-19 et la catastrophe économique qui s’est ensuivie — le taux de chômage a culminé à 14,7 % en avril, un niveau jamais atteint depuis les années 1930 —, M. Trump était bien parti pour être réélu. Exposé pendant quatre ans aux innombrables mensonges du président, à ses cafouillages pendant la crise sanitaire, à ses multiples provocations, le peuple américain a répondu en lui accordant au moins 73,7 millions de voix (3), soit plus qu’à tout autre candidat républicain dans l’histoire.

En février 2020, l’économie se portait bien. Le chômage était au plus bas (3,5 %), l’inflation ne dépassait pas 2,3 % et, au dernier trimestre 2019, le produit intérieur brut (PIB) avait progressé au rythme vigoureux de 2,4 % (en glissement annuel). Ce dynamisme, associé à l’absence de guerre d’envergure — à une époque où l’isolationnisme domine dans l’opinion publique — et à l’avantage que détient tout candidat en poste, conduisait alors de nombreux politistes et économistes à prédire une victoire de M. Trump (4). Et, si la dégradation de la situation sanitaire et économique a finalement compromis ses chances, le paysage politique américain n’est pas pour autant débarrassé du trumpisme.

Le personnage conserve le soutien de dizaines de millions de partisans fervents et dévoués, mais aussi de nombreuses organisations conservatrices telles que le Club for Growth (Club pour la croissance, hostile à la fiscalité et à la redistribution) ou le Family Research Council (un groupe de chrétiens évangéliques opposé à l’avortement, au divorce, aux droits des homosexuels…), ainsi que de plusieurs médias, comme Fox News ou Breitbart News. Par ailleurs, les ingrédients qui avaient permis le succès de M. Trump en 2016 sont toujours là : l’hostilité aux immigrés dans un pays qui connaît sa transformation démographique la plus profonde depuis un siècle, l’animosité raciale, la condescendance de l’élite diplômée envers les classes populaires et le sentiment désormais répandu que la mondialisation a servi les intérêts des multinationales et des classes supérieures au détriment du plus grand nombre.

Le trumpisme s’inscrit dans une révolte « populiste » mondiale contre les élites politiques, économiques et culturelles, en particulier chez ceux dont la vie a été bouleversée par la mondialisation et la désindustrialisation. Comme l’observe John Judis, le « populisme de droite » tend à prospérer quand les partis majoritaires ignorent ou minimisent les vrais problèmes (5). Les démocrates portent donc une responsabilité écrasante dans la naissance du trumpisme et dans sa consolidation. Le soutien de M. William Clinton à l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), entré en vigueur le 1er janvier 1994, et les pressions que l’ancien président a exercées pour faciliter l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont porté un rude coup au marché du travail américain. Selon une estimation de l’Economic Policy Institute, l’entrée de Pékin à l’OMC aurait coûté 2,4 millions d’emplois à l’industrie manufacturière des États-Unis (6).

M. Barack Obama n’a pas fait davantage pour montrer que le Parti démocrate se souciait du sort des classes populaires : il a nommé au poste de secrétaire au Trésor un proche de Wall Street (M. Timothy Geithner) ; il n’a pas voulu poursuivre en justice les banquiers responsables de la crise de 2008 et il n’a pas su protéger les millions d’Américains qui ont alors perdu leur logement et leur pension de retraite. Il y a quatre ans, les démocrates ont payé au prix fort leur frénésie de libre-échange. D’après une étude pilotée par David Autor (7), économiste au Massachusetts Institute of Technology (MIT), les pertes d’emplois liées au développement du commerce chinois pourraient avoir fourni à M. Trump les quelques points qui avaient assuré son succès dans les États industriels du Michigan, du Wisconsin et de Pennsylvanie, décisifs dans sa victoire de 2016.

Historiquement considéré comme le « parti des travailleurs », le Parti démocrate connaît depuis longtemps une érosion du soutien des classes populaires, en particulier parmi ceux qui se déclarent « blancs ». Cette tendance s’est confirmée en 2020. D’après les derniers sondages de sortie des urnes disponibles (lire « Pour qui ont-ils voté ? »), M. Trump aurait récolté les voix de 67 % des électeurs blancs non diplômés (contre 32 % pour M. Biden). Il serait en outre très populaire auprès des chrétiens évangéliques blancs (76 % des suffrages) et des habitants des zones rurales (57 %). Les circonscriptions les plus pauvres du pays, où les conservateurs ont commencé à s’ancrer en l’an 2000, sont désormais les plus enclines à voter républicain, tandis que quarante-quatre des cinquante circonscriptions les plus riches — et l’intégralité des dix plus riches — plébiscitent à présent les démocrates. Cette inversion des rapports entre classe sociale et préférences politiques offre un terrain fertile à une résurgence du trumpisme sans M. Trump. En l’absence d’un changement de cap radical des démocrates, les plus pauvres pourraient continuer à se tourner vers les républicains, qui disposent d’une liste de boucs émissaires pour expliquer leurs problèmes : les immigrés, les Noirs, les étrangers, les « élites »…

Qu’on ne s’y méprenne pas : le Parti républicain est devenu un parti d’extrême droite, à maints égards aussi virulent que les formations autocratiques qui gouvernent actuellement la Hongrie ou la Turquie. Les opposants ayant été mis au ban — le sénateur de l’Arizona Jeffrey Flake (2013-2019), le représentant de Caroline du Sud Marshall (« Mark ») Sanford (2013-2019)… —, il se trouve désormais entre les mains des trumpistes, et il y restera probablement dans un avenir proche. Le danger posé par le « populisme de droite » est plus important encore aux États-Unis que dans de nombreux pays européens, où le système de représentation proportionnel relègue souvent — même s’il existe des exceptions — les partis d’extrême droite aux marges du jeu politique, comme aux Pays-Bas (où le Parti pour la liberté n’a récolté que 13 % des voix aux élections parlementaires de 2017) ou en Espagne (où Vox plafonnait à 15 % lors des élections générales de 2019). Les partisans du président américain sortant, eux, contrôlent l’un des deux principaux partis, et le système de scrutin uninominal majoritaire à un tour demeure un formidable obstacle à l’émergence d’autres formations. Le cadre est donc en place pour l’avènement d’un démagogue plus dangereux encore que M. Trump. Imaginez le charisme d’un Ronald Reagan allié à l’intelligence et à la discipline d’un Barack Obama…

M. Biden arrive au pouvoir dans un pays polarisé, où le Covid-19 a exacerbé les disparités sociales. D’après le ministère du travail, les États-Unis traversent actuellement la crise économique la plus inégalitaire de leur histoire, le développement du télétravail favorisant nettement les plus diplômés. Au plus fort de la crise, le taux de destruction des emplois faiblement rémunérés était huit fois plus élevé que celui des postes bien payés. Les salariés et indépendants munis de diplômes universitaires étaient proportionnellement quatre fois plus nombreux à pouvoir exercer leur activité à domicile que les travailleurs sans diplôme du supérieur (8). Pendant ce temps, les Américains les plus aisés se sont encore davantage rempli les poches. Entre le 18 mars, date du début des confinements, et le 20 octobre, la fortune des 643 milliardaires que compte le pays a augmenté de 931 milliards de dollars, soit près du tiers de leur richesse totale. M. Biden est particulièrement redevable à ces ultrariches, qui, avec des donations de 100 000 dollars ou plus, ont levé pour sa campagne 200 millions de dollars en six mois. Les principaux centres du pouvoir financier aux États-Unis — Wall Street, la Silicon Valley, Hollywood, les fonds d’investissement — reconnaissent en lui un président qui ne risque pas de menacer leurs intérêts.

Cornaqué par la droite au Sénat, qui restera probablement présidé par l’impitoyable sénateur du Kentucky Mitchell McConnell, M. Biden aura le plus grand mal à mettre en œuvre une quelconque mesure de son programme. Il subira en outre les pressions de l’aile gauche de son parti, M. Bernie Sanders et Mme Elizabeth Warren en tête. Une telle situation donnerait du fil à retordre même aux dirigeants les plus déterminés. Alors, à « sleepy Joe » (9)… Sans compter que le nouveau président devra également se distinguer des politiques de M. Obama, qu’il a loyalement servi en tant que vice-président, et qui ont mené à l’émergence de M. Trump et de son mouvement. Il lui faudrait pour cela se départir du centrisme prudent qui a marqué toute sa carrière, en opérant, de même que son parti, un tournant radical.

Quelle forme pourrait prendre ce virage ? Une stratégie populaire consisterait à prôner un impôt sur les bénéfices excessifs, visant particulièrement ceux qui se sont enrichis pendant la pandémie — dans la veine de la fiscalité qui fut instaurée au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le plan de relance que l’administration Biden essaiera certainement de faire passer pourrait s’adresser non pas aux grandes entreprises (comme celui de M. Obama en 2009), mais à ceux qui sont les plus directement touchés par la crise : les travailleurs à faible revenu, les chômeurs et les petites entreprises. M. Biden pourrait également proposer un dispositif véritablement protecteur pour les millions de locataires et de petits propriétaires menacés d’expulsion en pleine pandémie.

Évidemment, un Sénat à majorité républicaine n’approuverait pas de telles mesures. Mais, en les défendant avec ténacité, les démocrates exprimeraient haut et fort leur engagement renouvelé auprès des classes populaires, dans l’esprit du New Deal de Franklin Delano Roosevelt. Cela leur permettrait de se poser, lors des élections de mi-mandat de 2022, en contre-modèle à l’immobilisme des républicains. Ce serait là le meilleur moyen d’empêcher le retour d’une nouvelle sorte de trumpisme, encore plus toxique que l’originale.

Jerome Karabel

Professeur de sociologie à l’université de Californie à Berkeley.

(1Rebecca R. Ruiz et Rachel Shorey, « Democrats see a cash surge, with a $1.5 billion ActBlue haul », The New York Times, 16 octobre 2020.

(2Les sénatoriales qui se sont tenues en Géorgie le 5 janvier 2021 ont bénéficié au camp démocrate, qui dispose désormais d’autant de sièges que les républicains. En cas d’égalité lors des scrutins à venir, c’est la présidente du Sénat, en l’occurrence la vice-présidente démocrate Kamala Harris, qui fera pencher la balance.

(3Chiffre du 20 novembre 2020.

(4Cf. par exemple Jeff Cox, « Trump is on his way to an easy win in 2020, according to Moody’s accurate election model », CNBC, 15 octobre 2019.

(5John B. Judis, The Populist Explosion : How the Great Recession Transformed American and European Politics, Columbia Global Reports, New York, 2016.

(6Robert E. Scott, « US-China trade deficits cost millions of jobs, with losses in every state and in all but one congressional district », Economic Policy Institute, Washington, DC, 18 décembre 2014.

(7David Autor, David Dorn, Gordon Hanson et Kaveh Majlesi, « Importing political polarization ? The electoral consequences of rising trade exposure », American Economic Review, vol. 110, n° 10, Nashville, octobre 2020.

(8Heather Long, Andrew Van Dam, Alyssa Fowers et Leslie Shapiro, « The Covid-19 recession is the most unequal in modern US history », The Washington Post, 30 septembre 2020.

(9« Joe l’endormi », l’un des surnoms dont M. Trump a affublé son adversaire démocrate.

Dossier États-Unis : changement ou restauration ?

Le 20 janvier prochain, M. Joseph Biden deviendra président des États-Unis. Sa disposition semble être de procéder à une restauration à Washington, et de permettre, après quatre ans de chaos et de fureur, que se déroule une sorte de « troisième mandat » de M. Barack Obama. Mais même la réalisation d’un tel objectif, pourtant peu ambitieux, s’annonce (...)

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      le podcast du « diplo » mai 2021
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  • Κυριακή 27 Ιανουαρίου 2019

    8 - Le rôle destructeur de la Société turque par les missionnaires occidentaux


    Patriarche oecuménique Barthomée et président Erdoğan: deux amis





    8 - LE ROLE DESTRUCTEUR DE LA SOCIETE TURQUE PAR LES MISSIONNAIRES OCCIDENTAUX



    Cet article de Gatestone est totalement biaisé, dans la mesure où il ne précise pas que le gouvernement Erdoğan ne s'en prend éventuellement qu'aux missionaires protestants et catholiques occidentaux, célèbres dans tout l'Orient et jusqu'en Chine, en tant qu'agents espions de l'impérialisme occidental.

     Par contre, Erdoğan et Bartholomée ,le patriarche grec orthodoxe du Phanar se soutiennent mutuellement et le président turc est allé au-delà de ses obligations envers les Grecs chrétiens orthodoxes, inscrites dans le traité de Lausanne de 1923, en ouvrant au culte de nombreuses églises orthodoxes (dont Izmir), bien au-delà d'Istanbul. 

    Contrairement aux nationalistes kémalistes, Erdoğan veut ressusciter l'Empire ottoman et faire revivre les millets chrétiens traditionnels grecs et arméniens, à l'époque où ces communautés indigènes chrétiennes ottomanes jouissaient de pouvoirs étendus, contrairement aux chrétiens occidentaux, instruments de la fameuse Question d'Orient, de destruction de l'Empire ottoman.

    Dimitri Kitsikis                                           28 janvier 2019

    Παρασκευή 12 Οκτωβρίου 2018

    7 – La Grèce et la Turquie au XXe siècle – Un gros ouvrage de 700 pages de Dimitri Kitsikis, sous presse






    7 – La Grèce et la Turquie au XXe siècle – Un gros ouvrage de 700 pages de Dimitri Kitsikis, sous presse

    Voici un extrait de l’ouvrage qui montre que la géopolitique de la région de la
    mer Égée demeure inchangée, malgré le temps :

    Un article anglais de l’India Times, du 21 octobre 1908,  disait: "L’organisation d'une Turquie forte et bien gouvernée est un coup mortel porté aux espérances de la Russie de régner sur le Bosphore et aux espérances de l'Autriche relatives à un port sur la mer Égée . . . C'est l'intérêt des Grecs, dans le monde entier, de soutenir la constitu­tion turque". Alors, pourquoi, est-ce , en Grèce, dans le "parti oriental" et non dans le "parti occidental" pro-anglais, que l'on rencontre les par­tisans les plus enthousiastes de la collaboration gréco-turque ?

    La réponse est que, pour le "parti occidental", les rapports gréco-turcs étaient une question d'opportunité politique et pouvaient donc varier selon les circonstances. Rien ne les attirait vers le monde turc qui représentait l'antithèse de leurs aspirations. Ils ne croyaient qu'à la civilisation occidentale et niaient la civilisation de la région inter­médiaire.
    Au contraire, pour le "parti oriental", les relations avec les Turcs étaient mues par le sentiment d'appartenance à une même aire de civilisation qu'il fallait, à tout prix, conserver, contre 1'intrusion occiden­tale. Ils étaient hellénoturquistes  par idéologie.

    La montée du panslavisme dans la deuxième moitié du XIXe siècle,

    transforma les russophiles du "parti oriental" en anti-slaves. La lutte

    macédonienne contre les Slaves, au début du XXe siècle, pour donner la     

    Macédoine à la Grèce, persuada les "orientaux" de la nécessité d'une barrière

    gréco-turque contre le danger slave. Mais pour  eux,il s'agissait d'une querelle

    de famille, d'une lutte millénaire à l'intérieur de la région intermédiaire: qui

    des trois aurait la première place à Constantinople ? Le Russe, le Turc ou le Grec ?  

    En tout cas, que l’étranger, l'Occidental, se tien­ne à l'écart: "l'Orient aux

    Orientaux" s'écrie Souliotis, à la veille de la première guerre mondiale.


    Dimitri Kitsikis                                                        12 octobre 2018

    Κυριακή 18 Μαρτίου 2018

    6 - Le génie de la France


    6 - Le génie de la France
    Dimitri Kitsikis
    Conférence donnée le 18 mars 2018, à Ottawa,
    Sur l’invitation de la Société des amis Canada-France

    1 – La Région intermédiaire

    Aristote, dans son œuvre intitulée, La Politique (VII, 7, 1327, b. sq), avait remarqué, en géopoliticien, concernant ce que j’ai défini moi-même, en introduisant en géopolitique moderne le concept de Région intermédiaire : «Les nations habitant les endroits froids et celles de l’Europe, sont pleines de courage, mais parfois déficientes en intelligence et en habileté, de sorte qu’elles restent comparativement libres, mais manquent d’organisation politique et de capacité à gouverner leurs voisins. Les peuples d’Asie, de l’autre côté, sont intelligents et habiles de tempérament, mais manquent de courage, de sorte qu’ils sont toujours soumis à la sujétion et à l’esclavage. Mais la race grecque participe aux deux caractères, précisément parce qu’elle occupe la position géographique médiane, de sorte qu’elle est à la fois courageuse et intelligente. Grâce  à ces vertus, elle continue à jouir de la liberté, à avoir de très bonnes institutions politiques ; et elle est capable de gouverner l’humanité si elle parvient à l’unité constitutionnelle». Cette unité de la Région intermédiaire fut réalisée par l’élève d’Aristote, Alexandre le Grand.

    2 – Une lune détachée de la planète Grèce

    Depuis la chute d’Adam, deux civilisations et deux seules couvraient la terre : la Chine et la Grèce, dans son espace de Région intermédiaire. Le reste était couvert de Barbares. Des nomades déambulant de part et d’autre des plaines du nord de l’Eurasie : Germaniques, Slaves et Turco-Mongols.

    Ceux-ci traversèrent la muraille de Chine et le Limes romain et s’installèrent, avec armes et bagages, en plein milieu de la civilisation. Kubilaï khan s’empara de Pékin et Mehmet s’empara de Constantinople. Mais déjà le Germain Clovis, élevé sur son bouclier franc, avait pressenti le destin exceptionnel de la Gaule. Il allait devenir le champion du christianisme judéo-hellénique et faire de la France la fille aînée de l’Église.

    Lorsque au XVIe siècle, la Renaissance hellénique émigra de Rome en France, cette lune, détachée à peine de la planète Grèce, de la Région intermédiaire, prit les couleurs de la France et les conserva jusqu’à la deuxième Guerre mondiale, jusqu’ à la libération de Paris, en 1944, et la rentrée triomphale du général de Gaulle.

    3 – La France unique

    La France, sur le sol occidental, était unique, par le fait, qu’elle seule, avait compris qu’au-delà de toute puissance économique, au-delà de toute ratio cartésienne, seule l’orthologismos dialectique grec, primant la créativité du cœur sur l’encéphale, pouvait faire jaillir du cerveau la flamme romantique profondément chrétienne, depuis Rousseau jusqu’à Victor Hugo et jusqu’à Yannis Xenakis.
    Le sens de la chose publique, de la res-publica, de la République fit de la France, de Louis XIV, de Napoléon et jusqu’ à de Gaulle, une monarchie républicaine, au son des orgues des cathédrales, ayant le sens de la justice, un phénomène que Marx appela socialisme féodal.
    De tous les peuples barbares, du Ve siècle après J.-C., Anglo-saxons, Germaniques, Slaves et Turcs, seuls les Français comprirent vraiment les Grecs, au point qu’au moment de la fondation de l’État grec dans la décennie de 1820-1830, son inspirateur Koraïs (ou Coraïs), vivant à Paris, soutint que les Grecs devaient passer par la France devenue grecque, pour redevenir grecs.

    Sur sa tombe, à Paris, il fut écrit en français :
    «Ce noble enfant des Grecs évoquant leur génie,
    Fit lever à sa voix un peuple de héros.
    La France, ô Coraïs, ta seconde patrie,
    Te garde avec orgueil dans la paix des tombeaux »

    4 – La dispute des Anciens et des Modernes

    Au XVIIe, une dispute littéraire éclata entre deux partis, les Anciens et les Modernes. Contre les Modernes -qui ne niaient pas que les Grecs étaient insurpassables mais qui insistaient que pour continuer à créer il fallait aller au-delà d’eux, pour ne pas paraître comme étant de simples copistes-  les Anciens soutenaient que les Grecs, redécouverts en Italie par la Renaissance, après la chute de Constantinople en 1453, avaient tout dit et que le mieux que les écrivains français pouvaient faire, était de les copier ave talent, comme en témoignaient les tragédies de Corneille et de Racine.

    D’abord l’Académie platonicienne de Florence, créée par Cosme de Médicis, en l’honneur du Grec Pléthon de Mystras, au XVe siècle, puis le Collège de France, créé au XVIe siècle à Paris, par Guillaume Budé, pour l’enseignement du grec, devinrent le socle culturel de la prépondérance absolue en Occident de la civilisation grecque.

    Mais, au XVIIIe siècle, une vague de scepticisme religieux envahit la France, par le retour à Sparte et à Athènes, ainsi qu’à la religion de l’Olympe, ce qui causa une crise de la foi qui alla jusqu’au triomphe du libertinage, à la condamnation du clergé et des monastères et à l’imposition de la religion franc-maçonne de l’Être suprême en 1793, par Robespierre, en pleine cathédrale de Notre Dame de Paris.

    Néanmoins, face au scepticisme hellénique de Diderot et de Voltaire, s’éleva la foi, profondément chrétienne et grecque de Jean-Jacques Rousseau qui prit toutes ses idées chez les Grecs, en choisissant Sparte, contre Athènes. Ainsi, au XIXe siècle le renouveau chrétien, s’appuya sur le romantisme rousseauiste d’un Victor Hugo profondément chrétien, allant au XXIe siècle jusqu’au pape helléniste Benoît XVI qui rappela que si le catholicisme était entré en décadence, c’est parce qu’il s’était éloigné de l’hellénisme.

      5 – L’Europe face aux musulmans arabes

    En 732 après Jésus Christ, à Poitiers, les Arabes musulmans furent repoussé par les chrétiens de France et pendant tout le Moyen-Âge, contrairement à la légende, selon laquelle les Arabes auraient transmis à l’Occident le savoir grec, l’Europe occidentale avait toujours maintenu ses contacts avec le monde byzantin grec.  

    Dans son livre intitulé, Aristote au Mont Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne, Sylvain Gouguenheim, prouva l’inexistence d’un quelconque apport significatif des Arabes à la civilisation européenne. Même en Europe méditerranéenne orientale, l’hellénisation du monde islamique avait été surtout le fait des Arabes chrétiens.

    6 – Le général de Gaulle et l’Europe

    Au XXe siècle, vint le général de Gaulle, féru d’hellénisme, qui proclama avec raison : tout Français aura été, est et sera gaulliste. Alors, Giscard d’Estaing, ancien président de la République Française, s’attela à la rédaction de la Constitution européenne. Mais déjà, après la disparition de de Gaulle, l’Europe sombrait dans la décadence et le 29 mai 2005, une date rappelant la prise de Constantinople par les musulmans, le 29 mai 1453, les Français rejetaient à près de 55%, le traité établissant une Constitution européenne qu’on avait voulu d’inspiration grecque judéo-chrétienne.

    En effet, les Français rejetèrent, de ce fait, la référence aux héritages spirituels et aux racines grecques et chrétiennes de l’Europe, comme suite aux résultats du concile Vatican II de 1962-1965. Il avait fallu l’intervention d’une Allemande pour défendre l’Europe chrétienne, avec le soutien de la Pologne, qui avait voulu rappeler dans cette Constitution les racines grecques et judéo-chrétiennes de l’Europe.

    En effet, Annette Schavan, vice-présidente du parti chrétien-démocrate allemand, avait déclaré : «Il n’y a pas de culture sans racines religieuses. L’Europe n’est pas simplement une communauté monétaire ou une zone de libre-échange économique. C’est aussi une communauté qui repose sur un socle culturel dans lequel elle puise sa force…le christianisme…la philosophie grecque, le droit romain, la Renaissance ou le siècle des Lumières – le christianisme a puissamment contribué à forger la perception que nous avons aujourd’hui de l’homme dans nos sociétés : un individu à part entière dont la dignité ne peut être bafouée».

    7 – Un appel au génie de la France pour sauver l’Europe

    Désormais, la foi manquant, la voix était ouverte à la démolition de la structure eurocratique de Bruxelles, à l’euroscepticisme, au point que l’Angleterre elle-même qui avait lutté avec insistance pour contrer l’interdiction du général de Gaulle, qui la voulait dans l’Europe que «toute nue», sans son Commonwealth et qui, finalement, avait réussi à pénétrer dans l’Union européenne, seulement après la mort du Général, en sortit en 2017, devenue aussi gaulliste que de Gaulle lui-même!

    Pour paraphraser le général de Gaulle, «non seulement la France, mais le monde entier, aura été, est et sera, gaulliste»! Voilà l’essence du génie de la France.

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    Παρασκευή 2 Μαρτίου 2018

    5 - Interview de Dimitri Kitsikis à la revue québécoise «Le Harfang»


    5 - Entrevue de Dimitri Kitsikis
    Professeur émérite, département d’Histoire, Université d’Ottawa,
    Membre régulier de la Société royale du Canada,
    Président d’honneur de la Fondation publique «Dimitri Kitsikis»,
    donnée le 11 août 2016
    et publiée dans la revue québécoise «Le Harfang», en avril 2017


    Le Harfang - De nombreux aspects de l’indépendance du Québec ont été  
    étudiés par les think-tanks et les partis souverainistes au cours des dernières décennies. Considérez-vous que l’aspect géopolitique a été suffisamment étudié ?

    D.K - Non. La géopolitique était bannie en Occident (et donc dans son appendice québécois) jusqu’à la chute du camp communiste, en 1989, car elle était considérée liée à Karl Haushofer et à la théorie hitlérienne de l’espace vital. Moi-même, en tant que spécialiste de géopolitique, continuateur de Halford Mackinder et de Karl Haushofer, j’étais considéré comme fasciste. De même, était considérée comme anti-scientifique l’étude de la psychologie des peuples, à laquelle je m’adonnais, et comme secondaire toute explication fondée sur le fait civilisationnel et religieux.

    Ce qui dominait alors, chez les universitaires québécois des relations internationales était une explication marxiste édulcorée de lutte des classes, dans le contexte de l’affrontement entre le camp capitaliste et le camp socialiste. Avec une connaissance presque inexistante de la géographie mondiale, un spécialiste pakistanais du Tibet, à l’Université Laval, était considéré comme un extra-terrestre. Un autre universitaire québécois de relations internationales mettait sur le même pied la Roumanie communiste et la Mongolie communiste, parce que ces deux pays appartenaient à l’époque au camp communiste, sans tenir compte du fait qu’ils étaient inclus, depuis toujours, dans deux régions de civilisation différentes, la Roumanie à la Région intermédiaire et la Mongolie à l’Extrême-Orient.

    Après 1989 et la chute du camp communiste, la géopolitique devint à la mode et tous ceux qui s’occupaient de relations internationales s’autoproclamèrent géopoliticiens. Cela devint franchement comique.


    H – Projetons-nous dans un scénario fictif de Québec souverain.  
    Croyez-vous qu’un état francophone, au sein d’un bloc anglo-saxon, serait politiquement viable?

    D.K. - Oui et non. Oui, en tant que petit pays, protectorat des États-Unis, comme le Kossovo ou le Kuweit, par exemple. Non, en tant que pays puissant et influant, comme l’est Israël, par exemple.

    Fondé, sur ma connaissance de l’Empire ottoman qui était une confédération multi-religieuse et multi-ethnique et de son démembrement en États-nations, je considère que la fondation de la Grèce, du Kossovo ou de la Syrie, en tant qu’États-nations, les a rendus entièrement dépendants des Grandes Puissances, alors que son maintien dans l’Empire ottoman leur avait permis de jouir d’une décentralisation administrative et d’une autonomie de leur religion, de leur langue et de leurs coutumes.

    Dans l’État indépendant de Grèce, par exemple, il a toujours existé deux partis, celui des indépendantistes qui se félicitaient de la sécession de 1821 et les fédéralistes qui regrettaient que la Grèce se soit détachée de l’Empire ottoman. Aujourd’hui, le camp fédéraliste reprend du poil de la bête.  


    H -  Quelles garanties aurait un Québec souverain pour se défendre, face à des voisins, comme les Etats-Unis et le Canada ?

    D.K. - Aucune garantie, sauf si le Québec se liait immédiatement, dans un contexte confédéral, à la France

    H -  Marine Le Pen, lors de son passage à Québec a discuté de l’idée de  refaire un bloc d’influence, genre Commonwealth, basé sur la  
    Francophonie. Par le passé, plusieurs penseurs comme Raoul Roy ont  
    avancé l’idée de Francité, ce qui est très différent. Existe-t-il une solidarité francophone et la Francophonie pourrait-elle devenir un contrepoids aux puissances anglo-saxonnes ?

    D.K. - Bien que partisan de Marine Le Pen, je considère comme seule planche de salut pour le Québec, non pas le Commonwealth francophone, à l’exemple du Commonwealth britannique, mais la francité, fondée sur la race. Le mot race ne doit pas être pris dans le sens raciste, mais dans le sens de «genos» grec, qui n’est ni la nation, ni la communauté de sang, mais une origine historique commune, fondée sur la langue et la religion.

    Je considère que la révolution tranquille au Québec, ainsi que Vatican II en Europe, dans les années 1960, a été un coup de poignard porté à la francité, car jusqu’ à cette époque, l’entité France-Québec était la fille aînée de l’Église. Sa déchristianisation brutale a marqué la fin du fait français. Seul un régime musclé de Marine Le Pen, avec le soutien d’un Québec fasciste intégriste, pourrait renverser la vapeur.

    H - Par ailleurs, l’émergence d’un monde multipolaire nuirait-il ou  serait-il bénéfique à la création d’un Québec souverain ?

    D.K. - Toute unification de la planète sous la houlette du globalisme des banques marque la fin des peuples, des civilisations et des religions. Un monde multipolaire s’impose, fondé sur les civilisations et les cultures. Le monde chrétien ne peut que s’opposer au monde musulman et le Québec appartient au monde chrétien.


    H - Plusieurs penseurs, comme Pierre Hillard, avance que les  
    indépendantismes nuisent finalement, car ils affaiblissent les nations  face aux organismes supranationaux (Union européenne). Partagez-vous  cette opinion et cela s’applique-t-il au Québec ?

    D.K. - L’Union européenne est moribonde. Il s’agit du passé. Les organismes supranationaux sont actuellement aux mains des banques et donc nuisibles. L’indépendantisme doit s’adapter aux confédérations, telles que celle de la francité.


    H -  L’eau semble devenir un enjeu géopolitique majeur à l’échelle  
    mondiale, le Québec, importante réserve d’eau potable, en fait-il  
    assez pour défendre cette ressource et en tirer avantage ?

    D.K. - L’eau, mondialement, est devenue aussi importante que le pétrole. Le Québec devrait revendiquer énergiquement sa part, dans l’exploitation de l’Océan arctique qui, de plus en plus, deviendra un centre géopolitique mondial. Le Québec doit avoir les yeux fixés sur le nord, vers la mer Arctique qui la sépare de la Russie, et non vers le sud, vers les Etats-Unis et l’Amérique latine.


    H - La religion semble revenir à l’avant-plan, en géopolitique, au  
    Moyen-Orient, mais aussi en Europe de l’Est et même aux Etats-Unis où  la religion est souvent invoquée par les néo-conservateurs. Croyez-vous  que l’Occident reviendra, à moyen ou long terme, à une religiosité plus  marquée ?

    D.K. - André Malraux dans les années 1960, au moment même où le Québec et la France se suicidaient religieusement, avait prévu que le XXIe siècle serait religieux. Actuellement, le Québec demeure une momie despiritualisée. Il est temps que le catholicisme revienne au galop.

    H - L’adhésion à l’OTAN, l’ALENA et autres représente-elle un boulet  
    pour l’émancipation du Québec ?

    D.K. - L’OTAN a déjà été condamnée par Donald Trump comme surannée. Son arrivée, fort souhaitée, à la présidence des États-Unis donnera la réponse à cette question.


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