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Lors de ces quatre derniers ans la Grèce fut caractérisée par deux
axes de politique européenne éminemment contradictoires: sous le
gouvernement conservateur de la Nouvelle Démocratie (N.D.), elle a d’un
côté essayé de prouver que tout malentendu existant depuis 1981 entre
ce pays et les CEE relevait de la politique incohérente du PASOK le
(“Mouvement” Socialiste Grec), tout en sollicitant une aide financière
témoignant de la différence chaotique existant au niveau de l’économie
et de l’adaptation européenne entre les pays européens les plus
arriérés, tel le Portugal et la Grèce, tandis que de l’autre côté elle
s’est mise à démontrer de façon solennelle que ses racines, ses moeurs,
sa vie culturelle, son Académie, ses Universités, son élite politique
et intellectuelle n’ont le moindre rapport avec l’évolution
intellectuelle, idéologique et scientifique qui eut lieu en Europe
depuis la Renaissance.
C’était juste au moment de l’arrivée de la N.D. au pouvoir en avril 1990
(lorsqu’une terrible histoire de trahison entreprise contre le petit
parti DIANA éclata, car son seul député, qui n’était pas son chef,
adhéra à la N.D. pour devenir son 151ème député (sur 300) et lui offrir
ainsi la majorité gouvernementale), où les Grecs s’informaient sur
l’entreprise des MM. Jean-Baptiste Duroselle et Frédéric Delouche de
lancer une histoire-proprement européenne-de l’Europe justifiant la
réunification de notre continent et de doter les citoyens de l’Europe
d’une histoire qui serait la leur. Comme il était normal, une
entreprise de telle envergure avait été financée par les CEE et tout un
comité scientifique avait été mis en place. L’excellent résultat de
cette initiative a bien attiré les éloges dans onze pays des CEE, une
fois que le livre fut traduit dans toutes les langues communautaires
sauf le grec. D’autres pays européens bien concernés par le projet de
la réunification européenne et par la perspective de leur appartenance
aux Etas-Unis d’Europe ont préparé d’autres traductions (en tchèque,
suédois, russe, etc.)
La réaction grecque contre ce livre fut irréfléchie, mal argumentée et
ridicule: sans avoir lu la totalité du livre pour pouvoir comprendre le
but de cette entreprise, Mr. Jean Bastias (éditeur de I’EKDOTIKE
ATHENON SA, maison à laquelle le texte a été envoyé par Mme. Vasso
Papandréou, Commissaire aux CEE) et ses collaborateurs les plus
proches, Mme. Hélène Glykatzi-Ahrweiler (naturalisée française,
professeur à Paris I, président du Centre Pompidou et espérant se mêler
à la vie politique grecque après la mort du Président Caramanlis), Mr.
M. Sakellariou (académicien grec, ancien professeur de l’Histoire à
l’Université de Salonique, qui s’intéressa d’abord à l’histoire des
Grecs sous l’Empire ottoman, (surtout pendant le 18e s.), jusqu’au
moment où on lui rejeta la thèse pour le laisser s’orienter
ultérieurement à l’Histoire Grecque Ancienne et finalement passer une
thèse d’Etat en France) et M. Andronikos (le fouilleur de Vergina, en
Macédoine Grecque, qui, basé seulement sur les riches trouvailles d’un
tombeau mis au jour par lui, a su l’identifier à celui de Philippe,
père d’Alexandre le Grand, sans qu’une inscription quelconque
l’autorise à cela), ont commencé à critiquer vivement le livre
publiquement, à publier de longues “réfutations” contre cet effort
“antihellénique” et à donner des interviews pour déclarer que le livre
essaierait de minimiser la contribution grecque à la formation
intellectuelle de l’Europe, l’histoire grecque, ainsi que l’Empire
Romain Oriental (appelé seulement “Byzance” et considéré de “grec” en
Grèce, malgré le fait que la langue officielle jusqu’au 7e s. était le
latin et que ses citoyens s’appelaient Romains ou Romanoi). Tout cela
s’est passé au moment, où le texte, qui n’était pas encore publié, leur
fut confié et non pas offert à leur critique, ce qui témoigne d’un
manque énorme d’éducation, d’esprit européen et de bonne foi.
A la suite de leurs réactions toujours basées sur la lecture d’une
petite partie du livre, beaucoup d’académiciens, d’universitaires et de
politiciens grecs ont réagi: l’archevêque d’Athènes, Sérafeim,
l’ex-ministre N. Martis (qui, sans être un historien et sans avoir
suivi un seul séminaire d’histoire, essaie de “démontrer” qu’il ne peut
pas y avoir de “République de Macédoine” (!) et qu’il n’y a pas de
langue macédonienne slave, en dépit du fait qu’elle est enseignée dans
une bonne trentaine d’universités partout dans le monde, comme p.e. à
l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, à Paris),
l’eurodéputé Papoutsis (qui n’est naturellement pas historien mais
s’est demandé publiquement pourquoi il n’y a pas de référence au
Parthénon dans ce livre, dont la première photo nous offre une parfaite
vue sur ce monument!), l’eurodéputé Pesmazoglou et bien des autres,
qui-tous-n’avaient pas lu même une seule ligne du texte!! Pour
plusieurs mois les journaux et, en général, les mass-médias grecs
considéraient ce livre de “témoignage des sentiments et de la haine
antigrecs exprimés par le Vatican et le Monde Catholique depuis des
siècles, de “produit de la propaganda sioniste minimisant les racines
grecques de l’Europe”, “résultat de l’incessable guerre turque contre
la Grèce”, ou même d’“effort du rationalisme occidental pour
déshelléniser le Monde et l’Histoire Européenne”!!!!
Il y a une explication à tout ce qui parait ridicule ou même
charlata-nesque. Toutes ces réactions, ainsi que celles de nombreux
citoyens grecs, qui se sont pris pour bons historiens et essayèrent de
répondre au seul plaidoyer publié en Grèce pour le livre de J.B.
Duroselle (OIKONOMIKOS TAHRYDROMOS, 7.11.91, p. 47-48), en insultant le
plaidoyant et en employant des expressions argotigues de très basse
classe (OINKONOMIKOS TAHDYDROMOS, 4.IV.91, p. 73 “défendre l’histoire
de J.-B Duroselle est un acte de folie ou de ridiculité parallèle aux
intérêts des Sages de Sion”; 11.IV.91, p. 43 “De telles opinions ne
doivent pas être publiées”;
2.V.91, p. 66 “En guise de réponse à notre lettre vous devez nous
préciser si vous êtes Grec, si vous avez fait votre service militaire,
si vous êtes chrétien orthodoxe...”; 16.V.91, p. 62 “Honte à vous”;
23.V.91, p. 86 “Vous époussetez les chaussures de J.-B. Duroselle”;
11.VI.91, p. 54 “Même si tout ce que vous dites est vrai, vous devez ne
pas le diffuser, car tout cela fera du mal à notre pays”), doivent être
conçues comme une expression authentique de l’incroyable mensonge
enseigné aux Grecs en tant qu’“Histoire Grecque”, du manque quasi-total
des Sciences Humaines dans les universités du pays, ainsi que du bas niveau
de l’éducation et de la culture en Grèce et de l’esprit obscurantiste
et arriéré, qui en résultent.
On verra d’abord quel est le mensonge historique que les Grecs
apprennent en tant qu’ “histoire” au primaire et au secondaire: pour
les “manuels” historiques (déjà vivement critiqués en Grèce) toute
l’histoire de l’Humanité ne serait qu’un inventaire des influences
grecques! Les civilisations minoenne (on connaît déjà très bien que les
Cretois n’étaient pas des Grecs mais des Canaanéens) et mycénienne
seraient “grandes”: malheureusement, même les Hittites, peuple
largement influencé par les Hourrites et les Assyrobabyloniens, ne
considérèrent jamais les Grecs du IIe millénaire d’“importants”. Les
Grecs de l’époque classique auraient tout inventé: malheureusement, les
Orientalistes ont depuis bien des années prouvé que tout était déjà
connu bien avant les Grecs. Les découvertes des Orientalistes demeurent
inconnues en Grèce, puisque les quelques Orientalistes grecs
travaillent à l’étranger, ou bien sont mis à l’écart en Grèce, tout en
étant considérés de “dangereux”. D’après ces pseudomanuels, Alexandre
le Grand aurait initié les peuples orientaux à la civilisation:
malheureusement même les sources grecques font état de son attitude de
respect et d’excellente considération envers les anciennes
civilisations. Evidemment, ces sources, on les passe sous le silence,
tout comme toute autre source grecque témoignant de présence ou
d’influence orientales, car on sait très bien que Thaïes, Platon,
Anaximandre, Pythagore et tous les autres philosophes grecs ont pris
leur “route de Damas”! D’après ces “manuels”, les Romains seraient des
barbares à jamais, à condition de n’avoir pas été civilisés par les
Grecs! Même le christianisme y devint une mixture “hellénico testamentaire”!
Tout cela dépasse les limites du ridicule, mais on atteint déjà le
charlatanesque par l’incroyable altération de l’histoire médiévale:
l’empire romain oriental, devenu “byzantin” pour les savants
byzantinistes du dernier siècle, serait l’“empire grec médiéval”, ce
qui est une pure tromperie, puisque le mot même “Grec” était une grave
insulte pour tous les citoyens “romains” de l’empire oriental.
Pour toutes les périodes de l’histoire avant la Renaissance dans les
manuels grecs il n’y a que quelques pages dédiées à l’histoire d’autres
peuples. Tout ce qu’on enseigne sur les anciennes civilisations
(quelques 20 pages), est tellement faux, qu’une réfutation publiée dans
la revue SYNCHRONI EKPAI-DEVSI (nos 32, 33, 34) nécessita 34 pages de
la revue!! Le racisme antisémite grec trouve sa place partout, où il y
a une référence aux Hébreux (et aux Juifs). Les Grecs n’apprennent sur
l’Islam que l’hystérie antiislamique des théologiens du Moyen-Age,
tandis qu’fl n’y a rien dans ces pseudomanuels sur les Sassanides et
l’Iran islamique, l’Inde, l’Asie Centrale, les Celtes, les Chinois, le
Japon, le Tibet, l’Afrique et l’Amérique précolombienne.
Les Grecs modernes croient qu’ils sont la suite ininterrompue des
anciens Grecs! Ils n’acceptent pas que les invasions slave (7e s.),
albanaise (12e-13e s.), serbe, roumaine et latine (13e-15e s.) ont
complètement transformé la face du Sud de la péninsule balkanique et
limité les Grecs en Anatolie et à Istamboul. Ils n’acceptent pas que la
langue grecque était diffusée par le patriarcat orthodoxe parmi tous
ces peuples seulement en tant que langue sacrée de leur religion. C’est
pour cela que les émeutes slavo-albanaises de 1821-1828 ont été
appelées “révolution grecque”, tandis que le grec n’était pas la langue
maternelle des héros de cette révolution. (Botsaris, Canaris, Miaoulis,
Caraïscakis et les autres disaient qu’ils étaient “Arvanites”,
c’est-à-dire Albanais; Botsaris a même essayé de composer un système
d’écriture albanaise basé sur les caractères grecs). Là où il y eut une
ingérence franco-russo-britannique contre l’Empire Ottoman (combat
naval de Navarino), les Grecs apprennent sur l’héroïsme de leurs
ancêtres, qui n’y ont même pas participé! La fameux tur-cologue grec
Dimitri Kitsikis, qui a fait sa carrière en France, au Canada et en
Turquie, démontra pourtant, à travers son manuel sur P”Histoire de
l’Empire Ottoman”, que les seuls vrais Grecs (ceux qui vivaient à
Istamboul et en Anatolie) avaient pris position contre ces émeutes qui
allaient démolir un système, auquel ils participaient vivement. C’est
pour cela que le Professeur Kitsikis fut tellement insulté en Grèce.!
Où faudrait-il chercher les origines de cette illusion? On devrait se
reporter aux fondements de l’Etat pseudogrec de 1828. Le grec y devint
langue officielle, mais on y parlait plusieurs dialectes, où la
grammaire, la syntaxe et le vocabulaire n’étaient pas grecs dans leur
majorité (seules les parties albanaise, slave et turque faisaient plus
de 2/3 du vocabulaire). Le patriarcat orthodoxe d’Istamboul trouva
opportun de se doter d’un état cosmique et la langue grecque, commune
pour les populations chrétiennes du petit pays, serait le biais, par
lequel il essaya d’en forger l’unité. Une classe politique quitta
Istam-boul et les communautés grecques de l’occident pour y exercer le
pouvoir. C’est ainsi que deux courants idéologico-politiques se
formèrent: les uns, formés par l’église orthodoxe, anti-occidentaux et
plus particulièrement anti-français, s’orientaient vers la perspective
obscurantiste de l’établissement d’un Etat “néobyzantin” religieux. Les
autres, influencés par les Lumières, admiraient un Hellénisme idéal,
perdu à jamais depuis 146 avant notre ère, mais ils étaient obligés à
se compromettre. C’est ainsi que l’éducation ne pourrait qu’être formée
d’éléments très contradictoires qui aboutirent à composer une fausse
idéologie: celle du terme même, nous prête à rire. C’est en dosant
toujours davantage que les uns et les autres arrivèrent à surenchère.
Les dictateurs Métaxas (1936-1941) et Papadopoulos (1967-1973) furent
d’ailleurs les propagateurs les plus fervents de la “civilisation
gréco-chrétienne”. Par conséquent, les anciens Grecs ne pourraient être
que “la base de l’évolution historique mondiale” (!) et l’histoire
elle-même ne pourrait exister que pour “nous” amener à Jésus-Christ
(!), une fois que cet état n’était pas laïc. Il est bien évident que de
terribles et incroyables violations des Droits de l’Homme se
perpétuèrent en Grèce jusqu’aujourd’hui et les Albanais (Arvanites en Grec),
les Slaves grécisés, les Slaves Macédoniens et les Vlaques n’ont pas pu
suivre l’enseignement primaire et secondaire dans leur propre langue
maternelle mais en une langue totalement artificielle, appelée
archaïsante et puriste, pour avoir été fabriquée à seul but d’éliminer
les dialectes, de remplacer les mots d’origine non grecque par d’autres
et d’introduire un vocabulaire grec. Pour que cette aventure puisse
avoir un succès, tous les habitants du pays apprenaient continuellement
que la langue enseignée aux écoles était “correcte” et qu’ils étaient
les descendants malheureux d’un grand peuple “détruit par les Turcs,
les Slaves, les Albanais, les Latins (terme employé pour les Croisés),
le Pape et la Franc-Maçonnerie française!”
Si cela est aberrant ou même abominable, les résultats d’une telle
autotromperie sont bien plus désastreux, car la survie de ce monstre
idéologique nécessitait des mesures spéciales, ainsi qu’un
contingentement sans précédent. Tout cela ne pourrait qu’aboutir à un
manque quasi-total des Sciences Humaines dans les universités de ce
pays.
Très peu de domaines scientifiques furent permis dans les universités
grecques: presque toutes les branches des science historiques,
philologiques, archéologiques et religieuses n’existent pas en Grèce. A
part tout ce qui existe sur les différentes phases de l’histoire, de
l’archéologie, ou de la littérature grecques, il n’y a que ces quatre
départements: “Littérature anglaise”, “Littérature française”,
“Littérature allemande” et “Littérature italienne”. A l’enseignement
secondaire un élève grec ne peut apprendre qu’une langue étrangère:
soit le français, soit l’anglais. Il n’y a pas d’ “Agrégation” en
Grèce; les licenciés enseignent les différentes matières, même si à
l’université la bibliographie offerte et obligatoire pour les examens
de chaque Unité de Valeur (il en a 28 jusqu’ à la Licence) n’est qu’un
seul manuel (200-300 pages) par cours. Il n’y a pas d’études
post-universitaires en Grèce. Ceux qui élaborent une thèse, en Grèce,
préparent un travail du niveau de la Licence française ou même pas,
sans suivre des séminaires spéciaux et sans employer la méthodologie
scientifique (la bibliographie périmée est très souvent employée). Il
en résulte une ignorance sans précédent et tout cela touche successivement
les masse-médias, le livre, la culture moyenne. Ce manque quasi-total
de sciences humaines et surtout du Monde de l’Orientalisme permet à cet
hellénocentrisme obreptice de survivre, mais rend tout de même le Grec
moyen un être désinformé, obscurantiste et nationaliste in extremis.
Récemment la classe politique et universitaire grecque a compris
qu’elle ne pourrait plus continuer ses méthodes arriérées dans le cadre
de la Communauté Européenne. Sachant que tout enseignement éventuel
d’un domaine de l’Orientalisme risquerait de détruire (de toute
vitesse) la pseudoconstruction du grécocentrisme, l’établissement grec
fut obligé d’introduire un certain nombre limité de séminaires
orientalistes pour permettre à des non-orientalistes d’y enseigner et
d’y présenter une altération quasi-totales des données historiques. Ils
pensent qu’en agissant de cette façon ils n’auront pas de problème de
contestation du grécocentrisme!
Il faudrait ici citer quelques cas pour laisser les lecteurs comprendre
ce qui se passe dans les “universités” de ce pays théoriquement
européen:
Un théologien, qui n’a jamais suivi un seul séminaire d’islamologie,
Mr. Constantin Patélos, a occupé une position d’islamologue à l’Ecole
Panteîos des Sciences Politiques de l’Université d’Athènes. Sans avoir
jamais publié quelque chose relative à l’Islam, ce monsieur-là devait
écrire et publier un manuel, qui servirait de (seule) base à ses
étudiants (faute de quoipersonne ne pourrait enseigner dans une
université grecque quelconque, une fois que la méthode universitaire
internationale de demander une bibliographie générale et spécialisée
relativement extensive n’est pas pratiquée en Grèce). Dans son manuel
C. Patélos enseigne que “l’Equateur traverse la péninsule arabique”,
que (le mois du calendrier islamique Dhou’l Hidjdja, écrit par lui)
“Dhou 1 Hidjdja est un courant musulman”, que “Mahomet a fait d’Abu
Bakr un Imam” (tandis que ce dernier fut élu calife après la mort du
Prophète), que “les Assyriens envahirent le Yemen’“, ou bien que “Jésus
est aussi le Messie des Musulmans”, etc.
Un professeur de théologie orthodoxe à l’Université d’Athènes, Mr.
Savas Agouridès, qui n’a jamais suivi un seul séminaire sur le
Gnosticisme de l’Antiquité Tardive, a voulu organiser la traduction en
grec d’un volume anglais publié par la maison hollandaise E.J. Brill,
où une série d’experts internationaux sur le Gnosticisme a préparé
d’excellentes traductions des manuscrits coptes de Nag-Hammadi
(Egypte). Dans le volume grec, ce professeur a essayé de caractériser
ce courant philosophico-religieux de l’Antiquité Tardive de
“pseudophilosophie”, de “suicide intellectuel du monde gréco-romain”,
ou bien “de langage absurde et contradictoire”, expressions que les
spécialistes internationaux n’ont jamais su se permettre.
Le bas niveau de l’éducation et de la culture se manifeste très
vivement en Grèce: la revue mensuelle DAVLOS (“Flambeau”), diffuse les
idées suivantes: “La civilisation européenne n’est qu’une caricature
déformée de la civilisation grecque”, “les Grecs gouvernaient le monde
entier vers 15.000 avant notre ère”, “la langue grecque a été formée
par les bruits de la nature, le vent, la mer, etc.”, la langue grecque
est la seule vraie langue qui existe”, “toutes les autres langues du
monde dérivent du grec, qui est plus riche, puisque cette langue
contient 6.000.000 mots” (!), “Saturne, Jupiter et les autres “dieux”
des Grecs n’étaient pas “dieux” et les anciens Grecs ne les
considéraient pas de “dieux”, mais ils étaient des rois historiques
vivant avant 10.000 avant notre ère et c’est seulement à cause d’une
conspiration sioniste des Juifs de l’Alexandrie grécoromaine que cette
histoire fut réduite à un “mythe” proprement dit”. Evidemment la revue
DAVLOS rassemble des néofascistes analogues à ceux de la Pen et de son
parti, mais elle rassemble aussi la moitié du parti (gouvernemental) de
la Nouvelle Démocratie; un professeur de philosophie à l’Université
d’Athènes et candidat malheureux de la Nouvelle Démocratie en
Etolie/Acarnanie, Gr. Costaras, appartient à ce circle. Mme. Anne
Synodinou, ancien ministre de C. Caramanlis, se basait sur des articles
de cette revue lors de ses discours antisocialistes parlementaires.
Elle a également travaillé avec ce circle pour la cause commune de
“l’alphabet grec”, puisque DAVLOS attache une importance sans
précédente à la diffusion du mensonge que l’alphabet phénicien vient de
l’alphabet grec et ne veut accepter d’aucune façon l’unanimité
scientifique sur l’origine phénicienne de l’alphabet grec. Mme. Anne
Synodinou a demandé (en 1986-87) au ministre socialiste de l’Education
d’effacer les mensonges antigrecs” de tout manuel de l’enseignement
secondaire grec! DAVLOS a publié sur le livre de Jean-Baptiste
Duroselle un article entitré “Ex Olympo lux” (la fameuse montagne d’Olympe
résidence des “dieux” grecs, dont je viens de vous donner la
connotation selon DAVLOS). Hélie Tsatsomi-ros, l’auteur de cet article
(DAVLOS, No. 102, Juin 1990, p. 5857-5861), qui ne s’est jamais même
pas inscrit à une université quelconque, a su caractériser ce livre de
“monstre”, “falsification de l’Histoire”, “conspiration satanique
contre toute chose grecque”, “pseudohistoire”, “modèle de l’intolérance
manifestée par ceux qui sapent les fondements de la Justice
Universelle, écrit par le sage de la falsification et de l’absurde qui
est aussi un “exploiteur international” et “a attaqué son seul rival,
la langue grecque, à cause de sa détresse”. Tout cela fut répété par
Mme. Anne Synodinou et bien des autres.
On devrait finalement aussi signaler le cas d’ELLOPI cette revue
nationaliste et chauviniste, qui a circulé récemment. Là, on trouve
beaucoup d’articles signés par des professeurs de l’Université
d’Athènes; ce n’est donc pas un marginal. Dans l’article éditorial du
fascicule d’avril-mai 1990, la perspective de l’unification européenne
est vue comme celle d’un mégal-Etat international, totalitaire,
niveleur”. L’intérêt manifesté par la CEE pour les pays de l’Europe de
l’Est serait (pour un autre auteur) “dangereux pour la Grèce. Un autre
écrivain y demande un effort grec pour proselytiser les Turcs de la
Thrace (Grèce du Nord-Est) au christianisme. Pour un autre écrivain,
non-diplômé bien sûr, “tous (même le “terrible monde des Sociétés
Secrètes”, les Noirs, les Jaunes, les Lapons) doivent tout à l’Hellénisme”.
Un professeur de l’Ecole Pan-teios des Sciences Politiques écrivit pour
s’approprier les monuments araméens et romains de la Jordanie et pour
les présenter comme “grecs”!
Ekdotiké Athénon a publié un volume de “Mythologie Universelle” dans son
“Encyclopédie Pédagogique (?) Grecque”, qui devrait présenter le
contenu mythologique des religions considérées “mortes”. La moitié du
volume est dédiée aux mythes, héros, dieux grecs; le reste essaie de
présenter le contenu mythologique des religions sumérienne, accadienne,
assyrobabylonienne, égyptienne, hittite, hourrite, phrygienne,
arménienne, canaanéenne, phénicienne, mithraiste, romaine, étrusque,
celte, germanique slave, euro-asiatique, américaine, africaine et
océanienne. Le déséquilibre, qui en résulte, est énorme et ses
conséquences au niveau de la culture grecque moyenne s’avéreraient
catastrophiques. L’esprit soi-disant proeuropéen de l’éditeur, Mr. Jean
Bastias, se dégage très facilement. Il me suffit de vous signaler que
l’article “Graal” est présenté dans seules 24 lignes, au lieu de 1.120
lignes pour les “Sept contre Thèbes”! Je dois vous indiquer que cela ne
rélève point d’un effort commercial de “plaire” aux lecteurs mais
constitue carrément un choix idéologique lié au grécocentrisme nationaliste,
dont je viens de vous parler. Le Grec moyen n’a même pas entendu parler
de ces “Sept contre Thèbes” et, au contraire, les jeunes ont appris sur
Graal, grâce au récent film de Spielberg “Indiana Jones and the last
Crusade” et aux acteurs Sean Connery et Harrison Ford.
Un philologue helléniste grec, qui n’a jamais suivi un séminaire
orientaliste, Constantin Siamakis, publia un livre de 900 pages sur
“l’Alphabet” pour informer ses lecteurs que “ce que les Orientalistes
disent, qu’ils ont traduit les textes préalphabétiques (égyptiens,
assyriens, sumériens, hittites)” constitue un “énorme mensonge”. La
chronologie acceptée par tous les Orientalistes pour les souverains de
l’Orient préclassique serait “ridicule”! Le fameux savant tchèque,
Hrozny, devint ainsi un “idiot”!!
Il faudrait insister que tous ces cas sont représentatifs et ne
concernent pas des écrivains marginaux. Le livre d’André
Andrianopoulos, ex-ministre de la Nouvelle Démocratie, est très
indicatif d’ailleurs; ce monsieur-là écrivit un tout petit texte
d’environ 6.500 mots et il le publia en tant que livre de 51 pages!
Andrianopoulos, qui n’a jamais étudié l’Islam, jamais suivi un
séminaire d’islamologie, jamais effectué des recherches orientalistes,
écrivit pour “Le fanatisme islamiste et les dangers qui en résultent
pour la Grèce”. Il fut pourtant prouvé dans une revue scientifique
(Journal of Oriental and African Studies, No. 2,1990, p. 270-272)
qu’Andrianopoulos n’a même pas lu la bibliographie qu’il présenta! Pour
ce député actuel la Turquie et la Syrie existaient en tant qu’Etats
avant 1914 (!!), époque à laquelle il y aurait des “émirats” en
Mésopotamie (!!). En plus, les Balouachis (Iran du Sud-Est et Pakistan
du Sud-Ouest) qui sont des Sunnites, sont présentés en tant que “partie
importante de la majorité chiite (et non pas sunnite, comme il
faudrait) de la population musulmane de l’Asie Centrale Soviétique”!!!!
Le fameux livre de mon ancien professeur à l’E.P.H.E. (IVe section),
Maxime Rodinson, “Les Arabes”, fut malheureusement traduit en grec. Le
traducteur a su traduire le terme “Sudarabique” (pour les Yéménites
préislamiques) par “Arabe Saoudite”, comme si la famille d’Ibn Saoud
vivait avant Mahomet! Il serait ici important d’insister sur le fait
qu’il n’y a pas de département “Traduction-Interprétation” dans les
Universités grecques et que les maisons de publication ne demandent pas
de traducteurs diplômés. Il arrive que des Grecs, qui n’ont pas obtenu
même un “Certificat” (octroyé par l’Institut Français d’Athènes) ou un
“First Certificate” (octroyé par le British Coun-cil of Athens),
traduisent des livres d’éminents savants et auteurs étrangers.
Il y a l’opinion que les Occidentaux, et plus particulièrement les
Français, sont des idiots; il y a même le mot “Koutofranghi” pour
“Français-idiots”. Cela est dû à la haine antioccidentale et
antifrançaise de l’église grecque.
Comment pouvait-on d’ailleurs procéder autrement dans un pays, où les
Lumières ont été considérées comme P”oeuvre satanique de la
Franc-Maçonnerie” et les obscurantistes ont créé pour leurs rivaux (qui
étaient peu nombreux d’ailleurs) le terme “luminatistes” (fotadistès),
attribué à d’excellents chercheurs, tel Mr. A. Dimaras, bien connu à
l’étranger.
Depuis la décision de Caramanlis de demander l’adhésion de la Grèce aux
CEE tout l’établissement politique-intellectuel-universitaire grec a
pris la décision de ne plus permettre à personne de diffuser les liens,
même contemporains, existant entre la Grèce et le Moyen-Orient, afin de
ne pas nuire à ses intérêts politiques, économiques etc. La réponse
serait pourtant facile à Mar-tis, ex-ministre de Caramanlis, qui aussi
parla contre le livre de Jean-Baptiste Duroselle: Alexandre le Grand
n’est pas sorti de la frontière occidentale de son pays, tandis qu’il
est allé plus de 3.500 km. (en ligne directe) vers l’Est!!!
Il y a en Grèce beaucoup de gens et de savants qui partageraient ces
opinions et analyses, mais ils ne le font pas publiquement, puisqu’ils
travaillent au secteur publique et ils auraient beaucoup d’ennuis.
Cette situation correspondrait parfaitement bien à ce qu’on entend par
“terrorisme intellectuel”.
Il en résulte que la Grèce n’est pas un pays européen et qu’il serait
opportun de reconsidérer la politique communautaire à l’égard d’un pays
du Tiers-Monde, qui se trouve sur le territoire européen grâce à un
accident historique; d’autant plus que ce pays est bien plus arriéré
-au niveau académique et intellectuel- que bien des pays asiatiques,
africains ou sudaméricains. A la veille de la réunification du
continent européen, où la Russie libérale et la Turquie à Etat laïc
auraient de plein droit leur place, tout en offrant à l’Europe son
universalité, û serait bien plus intéressant d’envisager l’albanisation
de la Grèce, en se débarassant de la sorte du lourd et inefficace
fardeau que l’aide communautaire impose à l’économie européenne.
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